Le soin de soi : pourquoi est-ce si important ?
Même si prendre soin de l'équilibre intérieur des parents est fondamental, beaucoup ont encore du mal à comprendre pourquoi le soin de soi est nécessaire. Même si le concept est compréhensible, l'intégrer dans un quotidien déjà bien rempli reste souvent difficile. On pense souvent que les autres tâches et responsabilités passent avant tout, ce qui fait du soin de soi quelque chose d'exclusif, voire d'inaccessible. Un système nerveux épuisé et un manque de repos n'affectent pas seulement la vie de tous les jours, mais aussi la relation avec les enfants et la capacité à gérer bien plus que la parentalité.
Malheureusement, dans ma pratique de psychothérapie, j'observe une idée reçue persistante chez les générations plus âgées : le soin de soi serait un sujet de luxe ou source de honte. Pour beaucoup, l'idée demeure qu'être parent implique forcément de se sacrifier. Pourtant, malgré cette croyance, prendre soin de soi est une responsabilité essentielle pour chaque adulte. Changer notre regard pour reconnaître cette tâche d'adulte comme un élément indispensable de la vie moderne peut demander du temps. D'après mon expérience, je sais que « c'est en forgeant qu'on devient forgeron » : il faut sans cesse affronter ses résistances intérieures, la culpabilité, la honte, etc., pour réussir à intégrer au quotidien des habitudes qui améliorent réellement le bien-être.
Qu'est-ce que le soin de soi, et comment se manifeste-t-il ? Le véritable soin de soi va bien au-delà de la prise en charge de nos besoins physiques; il s'agit aussi de nos bien-être émotionnel.
Nos besoins physiologiques sont fondamentaux à la survie humaine, au-delà des différences culturelles et sociales. Ils constituent une base universelle qui concerne chacun d'entre nous.
À l'inverse, les besoins émotionnels jouent un rôle essentiel dans notre équilibre émotionnel, la qualité de nos relations et notre bien-être général. Contrairement aux besoins physiologiques, les besoins émotionnels varient d'une personne à l'autre, évoluant selon les étapes de la vie, les expériences et l'influence de la culture. Reconnaître et satisfaire ces besoins émotionnels est indispensable pour entretenir des relations saines, avec soi-même comme avec les autres.
Un sommeil suffisant, des repas nourrissants, de l'air frais, du temps passé dans la nature, des activités physiques, des moments avec les proches, des loisirs plaisants, le contact physique, la possibilité de s'exprimer et un sentiment d'appartenance – tout cela apporte force, réconfort, détente et satisfaction ; ensemble, ces éléments constituent le soin de soi. Lorsqu'ils viennent à manquer de façon répétée, on se sent vidé(e), ce qui rend difficile de fonctionner au mieux de ses capacités. Un sentiment de vide prolongé réduit la capacité à reconnaître et à satisfaire ses propres besoins. Cela est lié au cortex préfrontal du cerveau, qui fonctionne mal en cas de fatigue. Les capacités à prendre des décisions et à passer à l'action sont alors altérées. C'est un exemple clair des conséquences physiologiques qui surviennent lorsque l'on ne consacre pas assez de temps ou d'attention à soi-même. Dans cet état, même les décisions les plus simples du quotidien deviennent impossibles, et il devient très difficile d'identifier ses besoins immédiats. Je me souviens très bien de ces moments où, avec un tout-petit dans les bras, épuisée par le manque de sommeil et la faim, j'avais du mal à tenir les objets et sentais ma patience s'effriter. Peu importe le nombre de livres sur la parentalité que l'on a lus, ils n'apportent que peu d'aide dans ces moments-là, car le problème n'est pas le manque de connaissances, mais l'incapacité à appliquer ce que l'on sait lorsque l'on est épuisé(e) en permanence.
Satisfaire nos besoins physiologiques de base est essentiel pour notre bien-être et notre capacité à gérer le stress. Il est important que les parents comprennent que leur propre bien-être compte tout autant que celui de leur enfant. Demandez-vous : « Comment est-ce que je réagis quand mon enfant est fatigué ? » La réponse à cette question peut aussi vous guider pour prendre soin de vous lorsque vous êtes épuisé(e) – que ce soit en profitant d'une douche chaude, en vous reposant, en partageant un câlin réconfortant, en savourant un bon repas, ou en vous adressant des paroles bienveillantes et positives…
Les adultes comme les enfants partagent des besoins fondamentaux. Curieusement, il est souvent plus facile pour beaucoup de répondre aux besoins essentiels d’un enfant qu’aux leurs. Pourquoi ? Malheureusement, tout le monde n’a pas reçu assez d’attention dans son enfance, et les exemples parentaux positifs n’étaient pas la norme pour tous. Les expériences et modèles vécus dans l’enfance deviennent la référence que l’on emporte à l’âge adulte, parfois sans recul, et l’on finit par accepter des souffrances inutiles. Même si prendre soin de soi peut sembler égoïste, et qu’un parent peut ressentir de la culpabilité à vouloir du temps seul ou à s’accorder des moments de plaisir, il faut se rappeler que négliger son bien-être est le vrai acte égoïste. En ne prenant pas soin de soi, consciemment ou non, on risque de chercher ce réconfort chez les autres, alors que ce n’est pas leur rôle. Lorsque nos besoins restent insatisfaits trop longtemps, cela peut entraîner de l’irritation, de l’insatisfaction, de l’impatience, voire des problèmes plus graves comme des crises d’angoisse, de l’apathie, un épuisement ou une dépression. Il est courant de blâmer son entourage dans ces moments-là, et je pense que presque tous les parents vivent cette situation à un moment donné, surtout s’ils n’ont pas pris l’habitude de s’occuper d’eux-mêmes avant l’arrivée de leur enfant.
Comprendre les besoins physiologiques peut sembler plus naturel que de saisir les besoins émotionnels. C’est pourquoi il est important d’explorer directement la définition et les aspects des besoins émotionnels. Il est essentiel de rappeler que prendre soin de soi va bien au-delà de l’apparence extérieure—ce n’est pas seulement un bain chaud, un bon thé, un livre agréable ou une nouvelle robe. C’est bien plus profond que ce que montrent les réseaux sociaux ou les publicités à la télévision. Prendre soin de son bien-être émotionnel, c’est reconnaître ses besoins du moment. Comment mettre en place une meilleure protection au quotidien (poser ses limites) ? Quelles astuces peuvent rendre le parcours parental plus doux ? Parfois, prendre soin de soi, c’est oser dire « non » aux conseils bien intentionnés mais non sollicités sur l’éducation des enfants. Cela peut aussi être aussi simple que de demander à son partenaire ou à une personne de confiance de surveiller bébé pour profiter de 10 à 30 minutes de solitude. Comprendre que s’accorder du temps n’est pas égoïste, mais une nécessité vitale pour chaque parent, fait partie du soin de soi. Cela peut aussi passer par l’expression sincère de ses émotions ou la recherche d’un soutien professionnel si l’on se sent dépassé. Prendre soin de soi, c’est aussi demander de l’aide pour les tâches du quotidien, afin de pouvoir se reposer ou faire la sieste avec son enfant l’après-midi. Au fond, prendre soin de soi, c’est prêter attention à son état émotionnel, reconnaître ses besoins, et accepter que négliger ses besoins physiologiques peut rendre plus difficile l’identification de ses besoins émotionnels. Commencer par de petites routines quotidiennes est souvent le premier pas recommandé.
Bien sûr, le temps et les occasions de prendre soin de soi avec un nouveau-né sont limités, surtout la première année. Mais en pensant parfois à vos propres besoins—que ce soit une courte pause, un moment pour nourrir vos émotions, un repas sain ou un peu de sommeil—les jeunes parents peuvent se faire du bien, à eux et à leur bébé. Ce conseil est particulièrement utile pour les parents qui accueillent leur premier enfant. Même si l’on souhaite exceller dans tous les domaines—parentalité, tâches ménagères, relations, activités personnelles—il est important de reconnaître qu’on ne peut pas tout gérer en même temps, et que ce n’est ni réaliste ni sain. Concentrez-vous sur ce qui compte le plus pour vous à l’instant présent et accordez-y votre attention. Le reste peut attendre !
Si vos enfants sont plus grands et que vous disposez de plus de temps pour vous, essayez de vous accorder la même attention que celle que vous portez à vos enfants. Imaginez un quotidien où les parents prennent soin d’eux-mêmes, puis l’un de l’autre, pour créer une dynamique familiale harmonieuse. Commencez par vous, puis prenez soin l’un de l’autre, et enfin, ensemble, de vos enfants.
Quand vous cherchez des moyens de prendre soin de vous, il n’est pas nécessaire de vous imposer de grandes tâches. Commencez par les gestes les plus simples, en pensant : « C’est déjà mieux que rien. »
Considérez chaque geste de bienveillance envers vous-même comme un investissement dans le bien-être de vos enfants. Le bien-être d’un parent influence directement le bonheur de l’enfant. Ne laissez pas les préoccupations du quotidien envahir toutes vos pensées ; prenez plutôt le temps, de temps en temps, de faire le point sur votre vie de tous les jours. Demandez-vous : comment pouvons-nous l’améliorer ? De quelles ressources manquons-nous en tant que famille ? Cherchez ensemble des solutions pour rendre chaque situation plus agréable pour tous.
Chers parents, apprenons à nous accorder plus d’importance, à trouver de la joie et de l’épanouissement non seulement dans notre rôle de parent, mais aussi en tant qu’individu.
Auteure
Liva Spurava
Thérapeute Gestalt / Fondatrice du Centre de Psychologie AUGT
